Créer un besoin humanitaire par une communication confuse et obscurantiste

Créer un besoin humanitaire par une communication confuse et obscurantiste

A travers un communiqué lu très nuitamment le 27 mai 2021, le Gouverneur militaire du Nord-Kivu, Constant Ndima autorise l’évacuation obligatoire des populations de dix quartiers vers la cité de Saké se trouvant à 27 kilomètres, côté ouest de Goma. Quelle est la motivation d’une telle communication? Cette communication est-elle claire ou possede-t-elle des éléments d’obscurité pour ne pas être crue par les populations victimes de cette évacuation? Cet article présente 6 éléments qui ont rendu la communication du gouverneur militaire obscure et 7 principes à suivre lorsqu’on veut communiquer en situation de catastrophe.

1ère obscurité
Quitter Goma pour fuir le gaz méthane à Saké ou à Minova c’est fuir la pluie dans l’océan car non seulement le gaz méthane, mais aussi le CO2 sont concentrés dans ce coin, contrairement à d’autres parties dans les eaux du Lac-Kivu. Cette zone est plus exposée au gaz méthane (CO2) qui se trouverait non loin de la surface qu’ailleurs (à 13m de profondeur seulement). Le communiqué n’a pas tenu compte des risques que les déplacés pourraient rencontrer même si se trouvant à plus de 1000 m du lieu supposé de la coulée des laves dans le Lac.

2ème obscurité
Le ministre national des médias, Patrick Muyaya a reconnu dans sa conférence du 27 mai 2021 les limites des experts de l’OVG et de la Protection Civile qui se livrent dans un tâtonnement sans précèdent, car ne connaissant ni les causes des mouvements sismiques, ni l’actuelle direction de la lave et pourtant ce sont eux qui devraient donner au gouverneur militaire de bonnes informations à partager aux populations victimes. L’OVG a accepté ses limites pour donner une bonne information. Il y a 6 mois que l’OVG n’a pas de matériels, de moyens pour faire une surveillance volcanologique efficace. Cet état des choses renforce la méfiance de la population aux informations de l’OVG. Cette institution étatique de recherche volcanologique devrait avoir des experts scientifiques dans tous ses départements, mais plus de 300 agents parfois fictifs recrutés dans quelles conditions souvent relationnelles.

3ème obscurité : le communiqué n’a pas fait allusion aux facteurs temps. D’abord du temps que prendra le probable volcan qui aurait des magmas sur la zone urbaine et qui se dirigerait vers le Lac, mais aussi sur le temps du retour des personnes déplacées. Parmi les questions auxquelles tout communicateur doit repondre lorsqu’il donne un message, il y a la question « QUAND ?», sans laquelle le message reste confus et risque de renforcer la méfiance des populations victimes aux acteurs de la riposte de la catastrophe.

4ème obscurité :
Le profil du communicateur, un gouverneur, encore militaire et le cadre dans lequel le communiqué a été lu, « caractère obligatoire » a été autrement compris par les populations victimes, traumatisées par la catastrophe. Certaines ont eu peur de la communication de l’autorité militaire, de peur d’être arreté et ont couru dans tous les sens. D’autres en dehors d’avoir peur, ils ont gravement paniqué, oubliant même leurs enfants, leurs biens de valeur, des personnes mortes subitement par la tension car la psychologie n’étant plus normale. La conséquence pour cette situation ; lorsque les gens vont se retrouver leur état normal vont se revolter. Ils vont rentrer sans autorisation, surtout lorsque la situation de la catastrophe reste calme. Ce qui a commencé à s’observer dès ce 28 mai, un jour après leur évacuation. Ils deviendront indisciplinés et écouteront difficilement ce que diront l’OVG et Protection Civiles, des organisations conseillères à l’autorité provinciale.

5ème obscurité
Avant le communiqué, des messages ont préparé les esprits des populations, mais une confusion dans le message lorsqu’on parle d’un plan d’évacuation et d’un plan de contingence au même moment. Ces deux notions doivent être dissociées, le premier lorsqu’on reagit contre un risque et le plan de contingence lorsqu’on prépare les gens pour un risque qui n’est pas encore en action. En plus de cela, plusieurs promesses irréalisables ont été données, pendant que les victimes ont besoin des solutions immédiates. De cette manière, les gens ont marché à pieds plus de 40 kilomètres (Goma-Saké-Minova) en passant des nuits à ciel ouvert. La grande cause c’est le manque de planification, parce que le soit disant plan d’évacuation et contingence étaient plus théoriques et médiatiques.

6ème obscurité :
Les ingrédients acides de cette mauvaise communication, c’est la délégation de 7 ministres venus de Kinshasa qui n’ont rien fait à part, leurs actions politiques et soutenir leurs anciens acolytes qui n’avaient autre projet que celui de la recherche de fonds humanitaires, car ils ont exprimé le manque de financements, il y a six mois de leurs organisations.

En rédigeant cet article, nous avons constaté que, la communication de l’autorité militaire était dramatisante que réconfortante. Cette communication a comme conséquence, l’indiscipline, la révolte des populations victimes évacuées de la ville sans argumentaires convaincants. Déjà après un jour, on a constaté le retour précipité des habitants de Goma évacués vers Sake. D’après des témoignages recueillis sur place, les mauvaises conditions à Sake, la promiscuité, le manque d’eau potable, le manque d’abris et plusieurs autres… sont les raisons qui expliquent leur retour précipité. Donc il n’y avait pas un plan bien fait pour cette évacuation. Si les experts existent-ils doivent aider le gouverneur militaire à bien faire son travail, au lieu de lui mettre des bâtons dans les roues pour qu’il soit mal évalué à la fin de sa mission. Pour clore, le prétendu plan d’évacuation et de contingence n’a pas tenu compte du niveau d’indignation avant d’envisager cette stratégie de communication des risques.

Voici les 7 C de la communication sur les risques catastrophiques

Plusieurs chercheurs en communication se reconnaitront dans la présentation de ces 7 C, principes obligatoires pour faire une bonne communication pendant une crise: « catastrophique ou sanitaire ». Il s’agit des critères suivants:

1èr C : Concentrer l’attention: La communication efficace centralise l’attention et doit avoir un but qui présente des arguments convaincants, des données probantes.

2ème C : Clarifier le message: La communication doit clarifier le sens du message. Que signifient les statistiques utilisées? Qui est en danger? Quel est le prix de l’inaction? Comment procéder pour agir?

3ème C : Communiquer les avantages: Communiquer c’est « être explicite » au sujet des avantages à tirer par les bénéficiaires, selon le contexte.

4ème C : Compter sur la cohérence: Toutes les données communiquées doivent être cohérentes, y compris les données statistiques et factuelles, et les appels à la mobilisation. La cohérence doit régner sur la durée, faute de quoi la réputation, la crédibilité, ainsi que la capacité à mener à bien la mission de communiquer se trouvent très vite menacées.

5ème C : Considérer le CŒUR et la tête : les informations sont-elles justes? Reposent-elles sur des données probantes ou un consensus?… Mais il faut également penser à accorder une attention aux besoins émotionnels de l’auditoire. Les gens perçoivent les informations communiquées non seulement aux niveaux visuel et auditif, mais aussi à travers leur ressenti.

6ème C : Créer la confiance: La confiance est la base de toute communication ; sans laquelle la communication passe difficilement. Elle est tributaire de la qualité des contenus techniques, du respect que l’on affiche pour les valeurs du public, de la crédibilité du communicateur et de l’intérêt dont on fait preuve, que l’on inspire. C’est en exprimant un intérêt sincère et une réelle empathie que l’on contribue à la conserver. La transparence et la clarification du message sont des facteurs qui l’influencent.

7ème C : Canaliser vers l’action: Toute communication en matière des risques doit être canalisée vers un mot d’ordre ; pas sur les promesses. Par exemple: Quitter la ville de Goma car l’éruption volcanique est certaine. En santé publique on peut dire : « l’avez-vous les mains pour se protéger contre la maladie à virus Ebola ». Les camions de transport des habitants de Goma pour Saké, la probable prise en charge ont été de bonnes promesses et non des actions concrètes pour un risque.

Nous partageons ces principes de communication sur les risques pour interpeller à l’OVG et à la Protection Civile, considérées comme experts aux cotés de l’autorité provinciales dans ce contexte de donner des informations fiables et précises avant de s’adresser aux populations victimes, sinon les responsables de ces deux organisations seront responsables des dégâts commis par cette évacuation non planifiée devant la justice.

Cosmas Mungazi Kakola

Comments (2)
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  • Vital Matafula

    A bon entendeur…

    • COSMAS MUNGAZI

      Si ils auront la volonté d’écouter. Ils ont l’habitude de s’enrichir derrière les dos des paisibles populations.