Tshopo/Kisangani : les espèces de bois préférés se raréfient de plus en plus
A Kisangani : les espèces de bois préférés se raréfient de plus en plus
Construite en pleine forêt depuis le début de la colonisation, la ville de Kisangani a connu une forte exploitation forestière autour d’elle. La rareté du bois d’œuvre y causée par un grand nombre d’exploitants dont la plupart sont clandestins et le marché alléchant du bois dans cette ville qui en est très demandeuse et autant que les pays étrangers. Les décideurs n’ont plus assez de temps pour renverser la tendance, sinon, les habitants autour de cette forêt vont en pâtir.
« Il y a plus de 30 ans que les exploitants forestiers parcouraient jusqu’à plus de 15 kilomètres pour trouver les essences à abattre. Aujourd’hui, ils y parviennent après avoir parcouru entre 100 et 150 kilomètres. Les 100 km atteints, il faut tourner plus de 4 heures dans la brousse pour trouver les pieds de qualité », déclare Trésor Likengi Biselengi, juriste, exploitant et vendeur de bois au marché Combonien dans le quartier Plateau Boyoma de la Commune Makiso, à Kisangani, chef-lieu de la province de la Tshopo. C’est en 1883 que l’explorateur Henry Morton Stanley a fondé en pleine forêt équatoriale le poste colonial devenu par la suite le chef-lieu de l’ancienne province Orientale et actuellement de la Tshopo.
Curieusement, les bois d’œuvres deviennent de plus en plus rares et s’éloignent de plus en plus de la ville. En avril, les équipes des journalistes et scientifiques invités à la semaine de la science, ont expérimenté la situation, en y effectuant 4 heures de marche (aller-retour) dans la brousse de PK13, (route Buta dans la collectivité chefferie de Lubuya Bera), jusqu’à la rivière Tshopo, pour rencontrer seulement un seul arbre ne pouvant pas servir de bois d’œuvre.
Bon nombre d’entre les exploitants sont originaires du Nord-Kivu. Ils utilisent des tronçonneuses qui permettent d’abattre rapidement beaucoup d’arbres. Cette situation met en danger de disparition les espèces pourtant trop recherchées des bois, renseigne une publication du Centre pour la Recherche Forestière Internationale (CIFOR).
Selon Emmanuel Kabanga, pisteur de l’équipe de journalistes et scientifiques, et exploitant du bois d’œuvre, les essences préférées sont devenues rares. Le bois scié accoste au Beach Kwama , (non loin du marché LITOYI dans le quartier Plateau Boyoma ), comme des radeaux en provenance de la partie Nord de la rivière Tshopo.
« Pour construire les parties des maisons en bois, exporter du bois en Uganda par le marché de Kasindi, fabriquer des meubles et des cercueils, approvisionner Kinshasa et l’Europe, Sapelli (Entandrophragma cylindricum), Iroko (Militia excelsa), Kaya, Liboyo et Afrormosia , Pericopsis Etlata)… sont les qualités les plus recherchées« , explique E. Kabanga.
Exploitants clandestins et peu instruits
L’exploitation du bois est une activité qui nourrit son homme en province de la Tshopo. On y trouve une présence massive d’exploitants illégaux. Dans son exposé à la semaine de la science, l’ingénieur Faby Matata de la division de l’environnement a déclaré que son service n’a recensé que 90 exploitants en ordre et les seuls reconnus par l’Etat.
Mais par manque d’emplois, le secteur des bois est convoité par des gens sans capital pour payer les autorisations. L’exploitation artisanale à la différence du secteur industriel, se réalise en grande partie de manière informelle non professionnelle, décrit Paolo Ceruti, chef du projet FORET à la semaine de la science à Kisangani. Car le profil des exploitants artisanaux est mis en cause parce qu’ils sont à majorité moins instruits et pratiquant l’activité sans aucune compétence professionnelle spécifique et pouvant abattre des arbres en désordre.
Des recommandations importantes
Pour prévenir la disparition de certaines espèces comme l’Afrormosia, le projet FORET, en partenariat avec l’Université de Kisangani a lancé un projet de reboisement de nouvelles plantules des espèces rares. D’autres personnes recommandent « l’implication des communautés locales en mettant en place des projets de foresterie communautaire, l’incitation des exploitants forestiers artisanaux à œuvrer dans la légalité et la révision des conditions d’exportation du bois. »
Au Musée royal de l’Afrique centrale, le Pr Hans Bigman, réclame avec insistance que le bois doit être déchargé et contrôlé avant d’être exporté. Il ajoute que cette identification des bois renforcerait la lutte contre la fraude des bois à l’étranger.
Cosmas Mungazi Kakola
Ce reportage a été produit grâce à l’appui du projet FORETS, financé par l’Union européenne et coordonné par le Centre de recherche forestière internationale (CIFOR). Cependant, il ne représente pas nécessairement le point de vue de ces institutions.