Après un petit couac d’ordre logistique lui ayant causé plus de dix heures de retard, la dépouille mortelle d’Etienne Tshisekedi, ancien Premier ministre, ancien président national de l’UDPS (Union pour la Démocratie et le Progrès Social) et père de l’actuel Chef de l’Etat, Félix Antoine Tshisekedi, a finalement été ramenée à Kinshasa jeudi 30 mai 2019, sous le coup de 19 heures 20. C’était deux années après le décès de l’illustre disparu, intervenu le 1er février 2017.
Mais l’effervescence populaire, à travers toute la ville de Kinshasa et plusieurs villes du pays, Mbuji-Mayi en tête, était telle qu’on était tenté de croire que l’homme venait de décéder la veille. La première image forte de l’aéroport de N’Djili était celle de la veuve, Maman Marthe Kasalu, descendant de la passerelle de l’avion qui venait de s’immobiliser sur le tarmac, soutenue par un de ses fils. La seconde était celle du cercueil d’Etienne Tshisekedi, entièrement peint en blanc, couvert du drapeau national, tracté par un véhicule spécial, avec l’accompagnement d’un comité d’accueil restreint composé de Mgr Mulumba, frère cadet du défunt et chef de la maison civile du Chef de l’Etat, Eugénie Tshika, sa sœur cadette, Jean-Marc Kabund, Président intérimaire de l’UDPS et 1er vice-président de l’Assemblée Nationale, et Augustin Kabuya, Secrétaire général de l’UDPS.
Le cercueil a été tracté jusqu’à la hauteur du couple présidentiel, qui l’attendait aussi sur le tarmac mais au niveau du salon présidentiel, où s’étaient alignées les personnalités civiles, militaires et religieuses venues témoigner leur compassion à la famille politique et biologique d’Etienne Tshisekedi. Vêtu d’une chemise blanche et d’un pantalon noir, coiffé d’un béret communément appelé « muniere », une marquée déposée héritée de son père, Félix Tshisekedi a posé sa main sur le cercueil, en signe de reconnaissance à celui dont il a fini par traduire le combat politique en victoire, par sa conquête démocratique et pacifique.
Plusieurs personnalités étaient présentes à l’aéroport international de N’Djili, notamment le Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunga et ses prédécesseurs au poste, encore en vie, à savoir Bruno Tshibala, Matata Ponyo et Nsinga Udjuu, la présidente de l’Assemblée Nationale, Jeannine Mabunda, le cardinal Laurent Monsengwo Pasinya, Mgr Fridolin Ambongo, Archevêque de Kinshasa, des membres du gouvernement et des deux chambres du Parlement, de hauts magistrats civils comme militaires, des mandataires d’entreprises publiques, des cadres de son parti, l’UDPS et de ceux d’autres partis, toutes tendances confondues, des membres de la famille biologique, etc.
En dépit du déploiement d’un impressionnant cordon de sécurité, le périmètre immédiat de l’aéroport était envahi par des milliers de combattants de l’UDPS ainsi que des curieux venus des quatre coins de la capitale pour rendre un hommage particulier au père de la démocratie congolaise, virtuel héros national. Il y a lieu de signaler que des colonnes d’hommes, de femmes et d’enfants ont commencé à faire mouvement vers l’aéroport de N’Djili dès les petites heures de la matinée. Le changement de l’heure d’atterrissage de l’avion en provenance de Bruxelles n’a nullement perturbé les inconditionnels d’Etienne Tshisekedi, qui ont décidé de camper sur les lieux jusqu’au soir.
La foule était tellement compacte aux alentours des installations aéroportuaires que le cortège funèbre a eu toutes les peines du monde à négocier sa sortie pour s’engager sur le boulevard Lumumba, dont les huit bandes étaient, elles aussi, prises d’assaut par des masses qui ont donné du fil à retordre aux éléments de la police. La progression du convoi funéraire, de l’aéroport à la morgue de l’Hôpital du Cinquantenaire, en transitant par Limete, où se trouvent le siège de l’UDPS et la résidence d’Etienne Tshisekedi, était un véritable parcours de combattant. Sur les huit bandes occupées par des millions de personnes sur les boulevards Lumumba, Sendwe et Triomphal, les forces de la police ne réussissaient à dégager difficilement qu’une seule. Il a fallu plus de cinq heures pour boucler un parcours qu’en temps normal, le cortège aurait pu couvrir en une heure. Le « bouchon » le plus difficile à franchir s’est situé à Limete, entre la 12me et la 7me Rues, où la foule avait envahi non seulement le boulevard Lumumba et ses deux « petits boulevards », mais aussi toutes les bandes de terre réservées aux piétons ou aux jardins publics. De mémoire de Kinois, on n’a jamais vu autant de monde sur les voies publiques.
On s’attend à une marée humaine difficile à contrôler ce vendredi 31 mai, à la levée du corps de l’Hôpital du Cinquantenaire mais aussi au stade des Martyrs, site retenu pour les funérailles jusqu’au samedi 1er juin, en dépit de sa capacité installée de 80.000 places assises, que l’on peut facilement multiplier par deux avec des spectateurs debout. On rappelle que l’inhumation est prévue le même samedi, à N’Sele, dans la banlieue Est de la ville.
Lambert Lambe