Dans le souci de renforcer la collaboration de la gouvernance sécuritaire dans cette commune, La Benevolencija/Goma a organisé une émission débat public, ce 20 avril 2023 au Bureau du Quartier Kasika (Karisimbi) mettant autour d’une même table une vingtaine des personnes contre les officiels (autorités locales, société civile et les experts de ESPER) ayant participé à l’élaboration de ce plan local de sécurité pour évaluer sa mise en œuvre dans la Commune de Karisimbi.
Michel Magenda Coach du Programme ESPER, Madame Élisabeth la Cheffe du Quartier Ndosho et Jacques Tchomba, membre de la Société Civile urbaine ont répondu aux préoccupations sur la sécurité dans la Commune de Karisimbi.
Après la présentation nominale de tous les participants et intervenants, Cosmas Mungazi, chargé de la campagne de plaidoyer médiatique chez Benevolencija/Nord-Kivu et Ituri circonscrit le contexte de l’organisation de ce débat public. Tout en présentant son Organisation, La Benevolencija qui mène des activités médiatiques pour vendre les acquis des actions des organisations partenaires dont « VNG-Internationale » dans le Programme ESPER qui signifie : « Ensemble pour la Paix et la Sécurité à l’Est de la République démocratique du Congo ».
Avant d’entrer dans le vif du débat, les témoignages auditionnés aux participants ont presque tous décrié les cas d’insécurité dans la commune de Karisimbi où une ou deux personnes sont tuées par nuit ces derniers temps. C’est pourquoi MICHEL Magenda, Coach du Programme ESPER explique que, la Commune de Karisimbi est butée à cinq problèmes qui sont à la base de l’insécurité dans cette entité, il s’agit notamment : du kidnapping, des tracasseries militaires, policières, judiciaires et administratives; des conflits fonciers; de la toxicomanie et du banditisme.
Pour lui, tous ces problèmes trouveront une solution lorsqu’une franche collaboration entre les parties prenantes sera effective. Car ajoute-t-il, « la sécurité est l’affaire de tous. Et non l’apanage des seuls les gouvernants ».
Prenant la parole, la seule femme parmi les invités, Elisabeth HAYUGUSA, Cheffe du Quartier Ndosho, la trentaine révolue est reconnue pour son engagement dans la gestion de son quartier, le plus mouvementé, le plus peuplé se trouvant à l’ouest de Goma où plusieurs cas de kidnapping ont été reportés l’année passée.
Cette jeune femme témoigne comment à son niveau son quartier dans son ensemble est impliqué dans la mise en œuvre du Plan d’Action Sécuritaire. « Nous avons implanté des ampoules lumineuses dans tous les coins obscurs et suspects où les bandits peuvent se cacher. Dernièrement à côté d’une grande école catholique on a tué une personne et nous avons directement exigé à monsieur l’abbé directeur de mettre sans délai une ampoule le long du mur de son école ».
Mais aussi, ajoute-t-elle, « pour lutter contre le tribalisme dans mon quartier, nous l’avons vaincu grâce aux séances de sensibilisation. Pour le kidnapping les autorités locales sont actuellement autorisées de localiser par téléphone les malfaiteurs qui utilisent souvent les réseaux des télécommunications ».
Ce qui aggrave le problème d’insécurité
Dans ce débat public de La Benevolencija, on pouvait constater la présence de tous les leaders d’opinions de la ville. Parmi lequel, Ricky Paluku du Mouvement Citoyen VERANDA MUTSHANGA et Porte-parole de WAZALENDO (groupe d’autodéfense) , qui s’indigne des conditions dans lesquelles les policiers font leur travail de protéger les personnes et leurs biens. « Ils vont en patrouille sans radio communication (Motorola) pour se communiquer entre-eux, afin de contrer les bandits armés qui semblent être organisés ».
Et à Claude Rugo, Président Communale de la Jeunesse de Karisimbi d’ajouter, « les policiers viennent à pieds pendant que les bandits armés sont en jeeps parfois neuves. Comment peut-on croire à sécuriser les populations dans ces conditions ?, se demande-t-il. Ce dernier qui a participé à l’élaboration jusqu’à la mise en œuvre de ce plan local de sécurité regrette également les conditions dans lesquelles les policiers mènent leur travail de sécurisation de la population. « La Commune de Karisimbi, la plus grande et la plus peuplée de la ville de Goma compte 11 quartiers, subdivisée aujourd’hui en 2 commissariats de la Police n’a qu’un seul véhicule pour les patrouilles ; il arrive que l’on appelle le secours lorsqu’on nous répond en disant que le véhicule se trouve à 10 kilomètres dans un autre quartier pour une intervention ».
Dans ces conditions, les bandits armés font ce qu’ils veulent pendant leurs opérations. Certains exigent même qu’on leur prépare à manger avant de commettre leur forfait (pillage systématique de la maison ou tuerie des membres de la famille).
Pour un chef de quartier que nous taisons sciemment le nom, « ce qui est inquiétant est que , ce sont les autorités militaires qui sont toujours pointées du doigt. Et lorsqu’on arrête un bandit, ce sont les véhicules de certaines autorités militaires qui viennent solliciter sa libération ». Aujourd’hui, ce sont les anciens gardes républicaines qui sont accusés par les familles victimes dans les différentes tueries observées ces derniers temps à Goma.
D’ailleurs le porte-parole du gouverneur militaire a présenté 12 bandits armés capturés dans un bouclage ce 20 avril, dont deux habillés en tenues militaires des anciens gardes républicaines.
De grandes recommandations
Plusieurs recommandations ont été données par les participants à ce débat public, mais nous allons citer quelques unes. La plus grande recommandation pour la mise en œuvre du Plan d’Action Sécuritaire (PAS) dans cette commune est que toutes parties prenantes savent que la sécurité est une affaire de tous, ce n’est pas l’apanage des gouvernants ou des autorités officielles.
Pour éviter la confusion des agents sur le terrain, les autorités nationales, provinciales, voire urbaine doivent bien contrôler leurs agents qui sont souvent pointés du doigt dans les cas d’insécurité. « On peut mettre à la disposition des agents sécuritaires tous les moyens si on n’augmente pas leur salaire (solde), rien ne va changer sur le terrain. Car une fois rencontrés la nuit, les policiers ne cherchent que l’argent« , a dit une participante victime de cette pratique honteuse.
Pour Claude Rugo, les conflits fonciers devraient être aussi évités, curieusement organisés par certaines autorités. Les conflits fonciers sont aussi à la base de l’insécurité dans cette commune de Karisimbi. Lorsqu’une autorité provinciale instruit les services fonciers de donner à telle ou telle autre personne des espaces terriens en défaveur d’un autre ayant son droit, cela augmente toujours les conflits dans la ville.
Ce dernier demande également aux autorités compétentes d’interpeller tous les responsables des réseaux de télécommunications de la ville pour justifier tous les cas de kidnapping reportés à Goma. Mais aussi de détruire toutes les maisons de tolérance où se cachent souvent les bandits armés et de dépeupler la police de circulation routière pour la police territoriale qui est remplie par des éléments dépassés en âge et ne sont pas en nombre suffisant pour la sécurisation des populations.
Mariam Kayuya/Stagiaire UCS